Partage cet article:
Pour une version audio et vidéo de l'article :
Si vous êtes comme beaucoup de personnes souffrant de douleurs chroniques (dos, épaules, hanches, genoux, etc), vous savez probablement à quel point il peut être difficile de rester actif et de faire de l'exercice. La douleur peut être un obstacle majeur pour de nombreuses personnes, qui peuvent avoir peur de bouger, par peur d'aggraver leur état. Pourtant, de plus en plus de recherches montrent que l'exercice physique peut être bénéfique pour les personnes souffrant de douleur chronique.
À lire: Comment rester actif malgré une blessure
Dans notre pratique, nous nous sommes rendus compte de 2 choses :
1. Nos clients ne savent pas que l’exercice aide réellement à diminuer la douleur chronique
2. Si nos clients ont déjà entendu que l’exercice aide à diminuer la douleur chronique, ils ne savent toutefois pas comment!
Dans cet article, nous allons explorer les différentes façons dont l'exercice peut aider à soulager la douleur chronique, en abordant des sujets tels que la peur de bouger, la perception de la douleur par le cerveau et comment adapter l’exercice peut aider concrètement à diminuer la douleur.
La douleur chronique est une forme de douleur persistante qui dure au-delà de la période normale de guérison, ou qui est associée à une maladie chronique. Contrairement à la douleur aiguë qui est généralement de courte durée et liée à une blessure ou une condition médicale identifiable, la douleur chronique persiste pendant des mois, voire des années.
La douleur chronique peut avoir un impact significatif sur la qualité de vie, limitant la capacité d'une personne à effectuer des activités quotidiennes, à travailler et à maintenir des relations sociales. Elle peut également entraîner des conséquences émotionnelles telles que la dépression, l'anxiété et la frustration. Comprendre les caractéristiques et les causes de la douleur chronique est essentiel pour éventuellement diminuer ces douleurs.
Il n’est pas rare de voir dans nos bureaux des gens qui ont des douleurs depuis plusieurs années. Un cas typique est une personne qui vit avec des douleurs au dos depuis plus de 10 ans, dues à une hernie discale. Il y a 10 ans, la douleur était générée par son hernie. Par contre, plus le temps avance, plus l’hernie guérit. Le problème est que malgré la guérison de l’hernie, la douleur au dos persiste. C’est ce qui se produit chez les gens en douleur chronique : une douleur qui reste dans le temps malgré la guérison de la blessure.
Plusieurs études ont analysé le tout et ils ont réalisé que dans des cas de douleurs chroniques, plus le temps avance, moins la douleur a rapport avec la blessure elle-même. La douleur persiste en raison de 2 phénomènes :
1- Comment le cerveau interprète le signal de douleur
2- Le déconditionnement physique associé à l'historique de blessure
Voici quelques faits intéressants et méconnus sur la douleur :
La douleur ressentie n’est pas un indicateur de l’état des tissus de notre corps
Il y a des gens avec de sérieuses lésions qui ne ressentent pas de douleur et à l’inverse, la douleur peut exister sans aucun dégât physique.
La douleur est une réponse de protection du corps
Pensons à quand nous approchons notre main d’une flamme, nous ressentons la douleur et nous retirons notre main. Un autre exemple est quand quelqu’un se fait une entorse, la douleur nous empêche de bouger notre pied afin de favoriser la guérison. Quand une blessure vient d’arriver (une blessure aiguë), la douleur est importante pour permettre la protection et la cicatrisation. C’est quand la douleur persiste malgré la cicatrisation que cela n’est pas normal.
La douleur n’est pas corrélée aux scans médicaux
En effet, les scans ne sont pas représentatifs du niveau de douleur qu’on ressent. Il peut n’y avoir aucune trace de lésions dans le scan, pourtant vous ressentez de la douleur. Au contraire, il peut y avoir présence de lésions ou de tissus endommagés sur les scans, sans en ressentir de la douleur!
La douleur est multifactorielle
La plupart des gens ne le savent pas, mais le cerveau va produire de la douleur à partir de plusieurs facteurs: nos croyances face à la douleur, nos antécédents, nos émotions, notre style de vie, nos habitudes de vie, etc. L’intensité de la douleur qu’on ressent ne dépend donc pas de l’importance de notre blessure, mais plutôt de notre sensibilité face à la douleur en fonction de tous ces facteurs!
En voici des exemples:
- deux personnes différentes peuvent avoir la même blessure, mais vont avoir des douleurs d'intensité différente.
- une personne peut ressentir plus de douleur lorsqu’elle est plus stressée
- une personne peut ressentir plus de douleur lorsqu’elle est malade
- une douleur peut augmenter ou diminuer en fonction de l’endroit où vous êtes (le contexte!)
C'est pour ça qu’il y a des jours où la douleur ressentie est moins grande et que d'autres jours, elle est amplifiée. Nous le répétons: dans les cas de douleurs chroniques, l’intensité de la douleur qu’on ressent ne dépend pas seulement de l’importance de notre blessure, mais plutôt de notre historique face à la douleur!
Reprenons notre exemple d’une personne avec des douleurs suite à une hernie discale il y a 10 ans. Cette personne ressent de la douleur 10 ans plus tard, dès qu’elle se penche vers l’avant. Pourquoi? Car au fil des années, elle a développé une peur de se pencher vers l’avant afin de ne pas “barrer du dos”. Elle a aussi développé de fausses croyances sur le fait que “se pencher vers l’avant n’est pas bon pour le dos”. Plus elle entretient ces croyances et cette peur, plus elle va ressentir de la douleur au moment où elle commence à se pencher. Même s’il y a guérison de l’hernie depuis plusieurs années, toutes ces émotions génèrent un signal de douleur!
Comment peut-on défaire ces croyances? Les études ont prouvé que l’éducation face aux mécanismes de la douleur est la principale chose à faire pour nous désensibiliser à des signaux persistants de douleur. Oui oui! Le simple fait de comprendre ce qui se passe quand on ressent de la douleur contribue à la faire diminuer au fil du temps. Nous prenons le temps d’informer tous nos clients qui ont des douleurs chroniques des différentes composantes de la douleur, car c’est ce qui est prouvé efficace comme premier pas pour diminuer les douleurs!
Comme mentionné plus haut, la douleur persiste dans le temps dû à la perception du cerveau vis-à-vis de la douleur. Elle persiste aussi à cause du déconditionnement physique lié à la blessure!
Qu’est-ce que le déconditionnement physique suite à une blessure? Voici un exemple:
Madame X a une blessure au genou droit. Suite à cette blessure, madame commence à moins bouger pour éviter d’avoir mal à son genou. Elle adopte des stratégies d’évitement comme monter les marches avec la jambe gauche en premier, pour ne pas mettre de poids sur la jambe droite. Plus le temps avance, plus sa jambe blessée devient faible. En étant plus faible, chaque fois que madame essaie d’utiliser sa jambe, elle ressent encore plus de douleur (car elle a moins de force, moins de stabilité, etc).
Après quelques mois, Madame est complètement sédentaire, car elle ne veut plus faire aucune activité physique par peur d’avoir mal au genou. Madame est maintenant déconditionnée physiquement et chaque fois qu’elle tente de bouger un peu, la douleur devient très présente, ce qui accentue son désir de ne plus bouger.
Cette situation illustre le cercle vicieux du déconditionnement physique :
Avec nos clients, nous renversons ce cercle vicieux en trouvant un moyen de rehausser la capacité physique de la personne.
Concrètement, nous trouvons des mouvements, des exercices ou une activité physique adaptés à la personne qui vont augmenter sa confiance d'être capable de faire des mouvements sains, sans générer de douleur. Nous rebâtissons tranquillement la confiance de la personne à tolérer des mouvements. L’important est de savoir par où commencer!
Le mot kinésiophobie désigne “avoir peur de bouger”. Les gens aux prises avec des douleurs chroniques développent en grande majorité une peur/appréhension/crainte que l’activité physique aggrave leur douleur.
Cette peur de bouger contribue directement au cercle vicieux mentionné plus haut. La kinésiophobie peut se développer à cause de mauvais conseils donnés par des professionnels. Si vous avez mal quelque part et qu’on vous a déjà dit d’éviter complètement certains mouvements (car ils pourraient vous “endommager”), vous allez développer une peur de faire ces mouvements.
La réalité est qu’aucun mouvement n’est “dangereux”. Tous les mouvements sont sains. Il suffit seulement de savoir lesquels faire selon votre condition physique actuelle. Peut-être qu’il y a certains mouvements que présentement votre corps n’est pas prêt à faire. Il ne faut simplement pas les éviter toute votre vie! Le but est de vous exposer tranquillement à des mouvements que vous avez peur de faire, afin que votre cerveau comprenne qu’il n’y a pas de danger.
Il est essentiel de comprendre que faire des exercices adaptés est la solution pour contribuer à gérer la douleur chronique.
Il y a des gens qui développent un comportement contraire à la kinésiophobie, dans un contexte de douleur chronique. Nous l’appelons le “comportement persistant de douleur chronique”.
Ces personnes vont vouloir faire tout ce qu’il faut pour guérir la douleur, en dépassant leur limite. Par exemple, une personne se fait donner 2-3 exercices pour aider à tranquillement soulager sa douleur. Les personnes avec un comportement persistant de douleur chronique vont en faire 10-12, en pensant que cela va encore plus les aider. Par contre, c’est l’effet contraire qui se produit!
Quand on en fait trop pour la capacité de notre corps, notre cerveau va envoyer des signaux de douleur de plus en plus tôt et à des intensités de plus en plus faibles. Par exemple, si une douleur au dos survient normalement après 20 minutes de marche, elle peut maintenant arriver après 5 minutes de marche. Tout simplement parce que la personne en fait trop! Pour ces personnes, il est important de ralentir.
Avec un programme d’exercice, le but est d’augmenter les capacités physiques afin que chaque effort physique devienne de plus en plus facile.
Dans l’exemple de Madame X qui a une douleur au genou, plus elle augmente la force de sa jambe droite, plus elle va être capable de monter ses marches sans douleur.
Dans l’exemple de la personne avec l’historique d’hernie discale, plus elle augmente la force de son dos, plus elle va être capable de faire des activités quotidiennes sans douleur.
Au début du programme d’exercice, elle a peut-être une tolérance pour soulever 10lb sans douleur. Si ses sacs d’épicerie pèsent 5 lb, elle est déjà à 50% de sa capacité. Elle a donc plus de chance de ressentir de la douleur!
Par contre, à la fin d’un programme d’exercice, sa tolérance est maintenant de 50lb. Les sacs d’épicerie correspondent seulement à 10% de sa capacité. Elle a donc beaucoup moins de chance de ressentir de la douleur!
Il est à noter qu’une personne qui a des douleurs chroniques ne va pas diminuer ses douleurs de façon linéaire dès le début d’un programme d’exercice. C’est plutôt par “vague”. Quand on commence des exercices, les premières périodes vont bien, mais il est normal d’avoir des “poussées” de douleur. Suivre un programme d’exercice permet de réduire le temps des poussées de douleur pour éventuellement ne plus en avoir!
En conclusion, n’hésitez surtout pas à faire des exercices et à consulter des professionnels de l’exercice comme les kinésiologues. Nous aidons à rebâtir tranquillement votre tolérance à des mouvements afin que vous diminuiez votre peur de bouger et que vous retrouviez votre vie d’avant!
*Un merci spécial au kinésiologue Yvan Campbell, qui est un pionnier au Québec par rapport aux exercices et la douleur chronique. Plusieurs de ces notions sont inspirées de ses écrits!
Kinésiologue
Olivier Perron
Partage cet article